Un nouveau recueil de Dominique Boudou "Choses revues dans Bordeaux et ailleurs" vient de paraître
aux éditions Aux cailloux des chemins.
Ce sont des textes courts qui constituent le recueil, ou plutôt des trajets, tant Dominique Boudou nous
embarque avec lui, d'un point à un autre point, avec des repères fixes dans un paysage de coton. Là où
l’œil se pose, la librairie Mollat, les quais de Garonne, les rues et toutes les places sont d'humeur
mélancolique et parfois facétieuse. Le regard de l'auteur imbibe les lieux, pourtant très ordinaires mais
tout à coup très singuliers. Il les laisse venir. Et devenir. Comme des ébauches oubliées sous l'atelier de
Giacometti.
De page en page, on se balade dans le périmètre de l'auteur, suivant la ligne du tram B Berges de
Garonne, de Bacalan au centre de Bordeaux, soit du nord-est au sud-ouest de la ville. En poussant un
peu, il se pourrait bien que Bordeaux prenne la lumière de Porto ou de Alcalá de Henares, dessinant
alors une géographie imaginaire où Italo Calvino et Montaigne marchent à nos côtés, où Emma et
Mathilde sont à la fois ici et là-bas, tout à la fois réelles et romanesques.
Il arriverait même que les rues changent de nom comme on porte un nouvel atour qui nous modifie.
C'est que Dominique Boudou ruse un peu avec le paysage. Pour s'arranger du réel sur lequel il trébuche
? Pour se raconter une histoire qui le ferait sourire, avec des personnages venus d'autres histoires,
"on ouvre ainsi des livres, puisque les livres m'ont appris à marcher" dit-il. Dominique Boudou est un
marcheur qui observe les choses : une voisine de transport, un oiseau, l'alignement des hangars, l'eau
qui tremble. Car ces choses également nous modifient. Pourquoi voir cela plutôt que cela ? Pourquoi
maintenant ? Comment elles nous impliquent ? Dans quelle vie ? Quoi faire avec les choses ?
L'écriture à la fois simple et ciselée de Dominique Boudou est ainsi faite qu'elle nous remue. Au fil du
recueil, le lecteur entre peu à peu en résonance avec ce qui chemine sous les mots : le paysage est un
ensemble plein et vivant, un corps à corps. Et la pensée, en mouvement flottant, traîne ses guêtres, au
gré des vents et des oiseaux.
Dominique Boudou signe, avec "Choses revues dans Bordeaux et ailleurs", un de ses plus beaux
recueils.
X X X X X X X
Extraits
Quand l’esprit s’égare,
le corps doit reprendre la main. Le flou des songes peut mener à une
dissipation de soi impossible à rassembler. La marche, portée par les
mélancolies, creuse des trous sans appui. Je rappelle à moi les plaintes de mes
pieds, la raideur de mes jambes, les sifflements sournois de ma fatigue. La
ville ne sombrera pas tout à fait, ni dans le passé ni dans le futur.
L’illusion du présent la tient debout avec l’écriture.
Je prends le tram à
l’arrêt New York devant le bureau de tabac. Des fragments de visages et des
fragments de murs vont et viennent sur les vitres,
traversés par la coulée grise des voitures. Mon regard n’en rassemble pas les
contours. Le flou suspend ma présence. Je pourrais disparaître si j’allais
jusqu’au terminus. Un reliquat de substance molle entre deux jointures de
pierre, bientôt chassé par la lance des nettoyeurs. Mais je descendrai place Gambetta
et j’irai voir les livres chez Mollat. Mon corps de papier existe mieux quand
je les touche.
La ville est un long
dépliant que j’étire parfois jusqu’au terminus de la ligne B. Mon corps la
perçoit comme une bande de papier dont les marques s’effacent. Les noms des
rues et des places me parlent en russe, en espagnol, en portugais
Comment savoir si la vie se trouve plutôt ici que là ?
L’instant va si
vite. A-t-il vraiment eu lieu ? L’image ne sera pas retenue comme elle a
surgi. La mémoire en retouchera les lignes de fuite. Les contours du chien et
les aplats du soleil sur l’herbe couchée manqueront de vérité. Le réel est
toujours un corps improbable. Presque liquide.
Laisser venir à soi
le paysage comme Giacometti laissait venir à lui les ébauches oubliées sous
l’établi. Ne fixer le regard sur aucun détail. Maintenir à distance les bruits
parasitaires. Mon corps plus léger accueillerait lentement l’autre rive.
Le passant hésite au
bord de la place. Ses gestes ne tiendraient pas la traversée sous la lumière
verticale. Le tram qui remonte en chuintant les allées d’Amour le rassure. Il
regarde les voyageurs descendre et courir vers la ligne C. Des jambes, des
bras, des dos, bien réels dans le réel. Des mèches brunes et blondes
papillonnent à nu sur des épaules. C’est la beauté simple des corps. Celle qui
inspire depuis toujours les visions folles.
Claude Bourgeyx est mort hier. Impensable pensée qui pourtant mord le dedans de la tête. Nous devions manger ensemble, nous voir. A quand remonte la dernière fois ? En mai dernier, en juin ? On pense au chemin fait ensemble.
J'ai rencontré Claude Bourgeyx en 91. Sud-Ouest publiait alors ses petites chroniques mordantes qui me plaisaient, « Nobody's Perfect » je crois que ça s'appelait comme ça, avec des dessins de Roland Breucker. J'avais lu quelques-uns de ses livres, "Les égarements de Monsieur René" et "L'amour imparfait", alors, au culot, je l'ai appelé. J'avais envie de conduire un atelier d'écriture dans ma classe à l'école des Aubiers. Pour donner voix aux enfants qu'on écoutait si peu alors. Ce fut mémorable, bizarrement plein d'adversités de la part des enseignants, et, par un système de vase communiquant, plein de complicité entre nous. Notre amitié est née là, exactement à ce moment-là.
Nous ne nous sommes plus lâchés. De loin en loin, de proche en proche, j'ai continué à le lire, fidèle qu'il était au Castor Astral. J'ai suivi ses débuts de peintre, son travail qui s'élaborait dans son atelier et qui me fascinait, ses expositions, (et j'ai été super fière quand il a voulu une de mes toiles chez lui). J'ai vu ses pièces de théâtre au Pont Tournant, au Globe, ou ailleurs à Bordeaux, car ses pièces étaient jouées dans tas de villes. Le théâtre de Label Étoile a mis en scène ses "Écrits d'amour" en France et en Suisse, plus de cent représentations et 2 festivals d'Avignon. Il racontait. L'admirable Claude Piéplu, Anémone ou la tumultueuse Bernadette Lafont. Il m'a fait lire, un jour de l'an dernier je crois, quelques-uns de ses textes de "Chronique de la chambre 3", dont un en particulier qui avait choqué.
Claude écrivait sur l'enfance et ses tourments, sur les grandes absurdités des hommes, sur nos failles. Et ses personnages, décalés et absurdes comme l'existence, étaient remplis d'humanité. Ils étaient drôles, faussement drôles, et nous embarquait, par son écriture de la précision et sans caricature jamais, dans la folie qui creuse nos vies. Entre
rire et silence. Son talent éclaboussait. Et il n'en faisait pas des
caisses. Il n'aimait pas l'entre soi et les cercles qui pensent en rond. Il pensait libre.
J'ai filmé Claude Bourgeyx, quelques lectures, des fragments de pièce, ses toiles à l'Atelier i.d. 109, rue Notre-Dame, chez Danièle Bloch-Bourgade, et son univers original me prenait aux tripes, au corps dans son entier, etau cœur.
Ce matin, je suis encore ainsi, saisie au cœur par le choc de sa disparition et ce qui me manquera désormais : sa présence quelque part dans le monde, sa voix au bout du téléphone quand il s'inquiète pour moi, et puis nos conversations sur la création, et puis nos vies, nos attentions, nos p'tits riens aussi qui font semblant de rien, parce qu'ils sont juste du vivant et de la tendresse.
Le vétérinaire a appelé ; il a dans sa clinique depuis dix jours un petit chat trouvé dans la rue.
Un
homme lui a apporté un soir :"Il est perdu et il a froid." Le chaton a
été réchauffé, soigné, vacciné. Venez le voir, peut-être qu'il vous
plaira. Il est noir et blanc. Il a environ deux mois."
Nous sommes partis en sachant qu'on reviendrait avec le tout petit.
Nous sommes revenus avec lui, comme emportant avec nous la chose la plus importante sur la Terre.
Nous l'avons appelé Sati.
Parce que j'aime les Gnossiennes, le chant de l'âme dit-on,
Atelier d'écriture aujourd'hui, à Léon Blum, là-même où j'ai débuté.
Est-ce que l'école a été rénovée ? On dirait pas et on dirait qu'elle en a besoin.
On dirait aussi que les enfants qui la fréquentent sont toujours en grande précarité sociale. Rien n'est modifié, en somme.
N'empêche, ils ont parlé sur "l’Éphémère", gravement, écrit, gravement aussi, et saisi au vol ces heures légères.
Ils ont rechigné à sortir de la classe quand la sonnette a retenti.
Un petit est alors venu avec une feuille et un stylo, m'a regardée avec ses grands yeux, et m'a demandé un autographe. "Parce que c'était trop bien", il a dit. Fasse que chacun d'eux devienne !
Je les retrouve la semaine prochaine. Et j'en suis heureuse.
Un peu partout une touche de bleu, sur les rues, les lumières dans la nuit, au bout des mots, au bout de la langue.
Une allée de phares jetés dans tout ce bruit dehors passe au travers de soi, dedans, un bloc de cœur d'argile. On dirait, loin, que la route s'envole dans l'air de rien du tout. C'est le monde qui vient/revient, une sale humidité de monde que tes yeux consolent, forcent le bleu à apparaître. à rester là.
Faut pas trop regarder les nuages quand ça file à toute vitesse. Parce que ça finit toujours dans le ciel, une tâche de nuit, un soleil, et un éblouissement, paf ! le regard balancé. Mes mains voudraient bien attraper les arbres, le silence des arbres. Les toits penchent leurs tuiles, le canal est de guingois, la ville au bord du monde, et tout ce qui tremble à l'intérieur comme une faim de tout, un oiseau sur un fil.
Translation
done by Steph8866. In case you want to reprint it, please ask for
permission first and always cite my name as its author.
Tradução feita por Steph8866. Caso você queira reutilizá-la, por favor
peça por permissão antes e sempre cite meu nome como o do autor.
Traduction réalisée par Steph8866. Si vous voulez la réutiliser,
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l'auteur.
Ce mardi de l’inquiétude, je trompe l'attente. Avant de retourner à Pellegrin. Te voir / revoir, vite, vite vite !
Ce sera ma première vidéo avec Adobe Pro. Sur un ancien fichier d'images de noël 2018 dans lequel Lisbonne resplendit. On arpente ses pavés fabuleux, vieillis d’absences et de mémoires.
Plus tard, dans le soir, tu me téléphones encore. Tu dis que tu l'aimes drôlement. "et plus que ça'.
J'ai reçu aujourd'hui le texte de Luc Vidal quand il a présenté mon recueil "Aime-moi"
au festival des Voix Vives à Sète.
Je vous le confie ici et je l'en remercie infiniment.
Présentation de Brigitte Giraud au
festival des Voix Vives, Juillet 2021
«Aime-moi» est le dernier recueil, édité par Al Manar de la poète
Brigitte Giraud.
Le titre même est-il un cri ?Une métamorphose, un symbole d’un début
d’amour-désir ? Une porte ouverte sur tous les possibles amoureux ? Est-il
enfin une supplique ou tout autre chose ?
«Aime-moi» est un livre qui rêve du verbe
aimer. On sent dans l’écriture de la poète un lyrisme de l’intimité, révélateur
de la vie du cœur et du sentiment profond.Le thème de la résurrection d’Éros est distillé dans le corps des vers
et dans l’aventure amoureuse. Celle-ci est contée, évoquée sans détour.
« Chaque souffle, l’un après l’autre, s’éveille de sa mort». C’est comme une recherche de l’autre et de sa voix, et de la
voix du verbe aimer tout ensemble.
Sa poésie est peut- être celle des amants
tristes, déchirée comme une difficulté de vivre ou d’être à la croisée d’une
étreinte vraie qui sauve.
Le dialogue des amants à fleur de peau,
de rêves et de «solitudes désemparées
» se fait jour alors, tenace, réel, concret mais sensuel.
«Boire encore à ta bouche, l’étreinte et la fumée,tu dis
Et quelque chose craque dans les hanches
Une écorce de la voix dans la voix
au fond de la voix, on ne sait pas bien où ».
«je» est ou devient cet autre « comme on apprend un autre corps ».
Ce livre « Aime-moi » est le récit des
amants sûrs, de leurs inquiétudes et de la
lumière éclairante de leurs parole
silencieuses et inédites.
Un de ses derniers livres «Passage au bleu» édité par les éditions Henry préfaçait d’une certaine façon
ce «Aime-moi».
La poésie de Brigitte Giraud entretient
un colloque sentimental permanent d’un visage à l’autre dans le don total
amoureux tel un orgasme dépassé.
« On sera seulement ventre et lèvres
à s’attacher la douleur
par saccades
Cris et murmures dans
le cri».
Le mot voix me semble être un des mots
clés, un des mots-refuge de l’écriture poétique de la poète. Ce mot qui se rêve
d’être la voix même du poème, «la
paupière même du vent».
Je ne parlerai pas ici des
images-métaphores qui peuplent vivantes et façonnent son style. Mais son
lyrisme poétique, sensuel et actif, casse «les
murs à l’intérieur de soi» et dit l’aventure d’un hymne à la voix, comme un
âge d’or du baiser d’amour.
«Aime-moi» dit le titre. Moi, lecteur, je l’ai aimé.
Translation done by Steph8866. In case you want to reprint it, please ask for permission first and always cite my name as its author.
Tradução feita por Steph8866. Caso você queira reutilizá-la, por favor peça por permissão antes e sempre cite meu nome como o do autor.
Traduction réalisée par Steph8866. Si vous voulez la réutiliser, demandez-en la permission avant et citez toujours mon nom comme en étant l'auteur.