"Désirant et sidérant, si possible..." dit-elle.


"Désirant et sidérant, ...si possible !" dit-elle.

jeudi 12 octobre 2023

S'affale mon coeur sur le goudron noir

 

Ce n'est pas que le regard soit verrouillé par le soleil dans la rue,
zone libre conscience floue, les gens courent leurs affaires.  
Le jour est tombé par effraction d'un bloc,
les yeux ont coulissé sur la lumière, glissé sur l'évidence de la lumière,
et l'envie de bleu pur ripe aux bateaux des trottoirs,
s'affale mon cœur sur le goudron noir.

vendredi 6 octobre 2023

Robert Misrahi n'est plus

 


 Ce 1 octobre, Robert s'est éloigné doucement de notre monde. Et je suis triste.  

Aujourd'hui un dernier hommage lui a été rendu à Évreux. Que le soleil et les fleurs lui sourient encore ! Je remercie mille fois la présence de Annette, sa dernière compagne auprès de lui, et également celle de Victor Eremita. Je pense à lui, je pense à eux.

Je me souviens, de sa voix, de son sourire, de sa gentillesse, de la vivacité de son intelligence. 

Je me souviens quand il est venu à la maison et quand il est venue me retrouver à Paris, rendez-vous au Lutétia. 

Je me souviens de ses mots dits, de ses mots écrits, de ses lettres que je garde toutes ensemble dans un tiroir. 

Je me souviens des vidéos.

Je me souviens d'un projet de livre que nous avions eu.

Je me souviens des livres qu'il m'a envoyés.

Et puis en feuilletant mon blog, je retrouve ce papier du 8 juin 2012, parmi d'autres sur lui. 

Je le remets ici, in extenso.

"Il est 1h et des brouettes et je viens de recevoir un message de Robert Misrahi. Il est encore debout, je me dis, passant d'un livre à l'autre, d'une musique à l'autre, puis, installé devant son ordinateur, il m'écrit. Une très belle et longue lettre comme d'habitude. Là, c'est à l'ordinateur, il est plus fréquent que ce soit sur papier. Ecriture régulière et aérée, l'âme respire sur la feuille. Paris en juillet, oui. Et des lettres avant, après Cerisy, juste après Cerisy, il me dit. Cerisy très bientôt, où je ne serai pas, quand bien même  le film auquel j'ai participé durant quatre jours autour de Robert Misrahi sera projeté et c'est très bien. L'important est toujours que les choses existent. Qu'elles soient donc reconnues, comme de l'existant. Un travail et une présence concrète pour une trace vivante et nécessaire. C'était en juin dernier, et c'est justement depuis ce juin dernier que nous nous écrivons, Robert et moi. Un tiroir pour ses lettres. Un an de corrrespondance suivie, de rencontres à Paris et à Bordeaux, en tête-à-tête et en beauté, avec de la gravité des sujets intimes et sérieux, et la légèreté qu'on y met. Voilà nous rions aussi. Et c'est bonheur, "Vitamines du bonheur" dirait Carver, sur cette même recherche de l'esprit "désencombré" (je parle pour moi) et de la liberté toujours voyageuse !

Je relis ce fragment, celui-ci. Puis un autre. Tout aussi beau. Tendre et chaleureux. Sans triche entre nous. Nous nous le sommes dit, ça : "Il n'y aura pas de triche."

 

"Il y a toujours quelqu'un  pour qui nous sommes réellement précieux.

C'est en pensant à toi que je me réjouis. J'ai très envie de te serrer dans mes bras. Ta parole et ta présence me sont précieuses.

Spontanément nous nous écrirons des poèmes de fait.

Nous ne sommes pas seuls et nous créons."

 

Je dis, moi, que je parlais de lui aujourd'hui à ma jeune amie. Hier aussi non, à une autre personne ?

Je dis que sa voix est sur mon blog, depuis deux jours, dans son interview "Des Grands Entretiens" de Busnel, sur France Inter.

Je dis qu'il a été une passerelle intelligente pour une autre  rencontre  (hi hi).

Je dis que sa pensée chemine et que je l'entends mieux à présent.

Je dis que je suis fière de le connaître, d'en être l'amie, et qu'il soit le mien.

Je dis que l'écriture n'est jamais fermée et que la sienne est ouverture sur le désir et le vivant.

Je dis cette j'aime l'idée d'être avec lui à la fois la plus absente et la plus présente dans le poème.

Je dis que le poème est aussi de l'infra-philosophique. Peut-être.

Je dis que je veux un Rötring pour des perspectives poétiques de nulle part.

Et des fleurs quelquefois. Bouquets fragiles et architecturées comme on veut...Mais ...oui, des architectures délicates, les plus belles, tu sais."