"Désirant et sidérant, si possible..." dit-elle.


"Désirant et sidérant, ...si possible !" dit-elle.

mercredi 14 octobre 2015

Charognards | Stéphane Vanderhaeghe


Longtemps que je n'avais pas lu un livre aussi original.
Raconter l'histoire de "Charognards" serait bien réducteur, d'autant que l'auteur ne raconte pas vraiment non plus. Bien sûr, on pense aux Oiseaux d'Hitchcock, on a en tête les images du film, on se fait une idée.  Un village isolé, un homme qui a choisi de rester là, seul face aux oiseaux.  Mais "Charognards", c'est tout autre chose.
L'inconnu/témoin tient un journal, non pardon ! deux. Sur l'un (que l'on ne lira pas), il consigne mouvements et déplacements des oiseaux, et sur l'autre (celui-là même que nous lisons), il y dépose ce qui lui reste, des mots comme preuve de son être en conscience et en vie, un quotidien jalonné de questionnements.
Qui bouffe qui, quand peu à peu il se pourrait qu'on devienne charognard de soi-même, de la langue qui nous fonde et qui fond ?
Que devient-on quand le passé s'étiole, ne se réinvente plus, devient corps étranger dont nous ne serions plus l'auteur ?
 Que devient-on alors avant de n'être plus ?
Est-ce qu'il est possible de devancer la mort sans vraiment mourir, englué dans le noir qui gagne et pétri d"une peur qui dépasse la peur ?
Stéphane Vanderhaeghe décrit peu les drames de ce village colonisé par les oiseaux, pas plus le curé mort au pied de sa chaire, que le voisin volatilisé d'un coup de fusil.
Mais le poids du monde, du chagrin, de la peur, et surtout de la perte est  présent au cœur de chacun des mots du journal que tient l'inconnu/témoin  de ce roman.
Que fait-il encore là ? Pourquoi n'est-il pas parti comme tous les autres ?
Est-il  un martyr  ou un fou  ?
Condamné à exister jusqu'au bout,  à écrire jusqu’au bout un monde qui rétrécit, une langue arrachée au non sens, un dégradé de noir, le temps devient invisible.


Charognards |  Stéphane Vanderhaeghe
Quidam éditeur

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