"Désirant et sidérant, si possible..." dit-elle.


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mercredi 4 novembre 2020

Trois poétesses honorées

 

Dans le journal libanais L'Orient-Le Jour

et


Tdf Poésie contemporaine



Trois poétesses honorées par le prix Vénus Khoury-Ghata

Il y a une semaine a été décerné, à la Maison de la poésie de Paris, le prix Vénus Khoury-Ghata, attribué à trois poétesses dont les mots ont su émouvoir le jury : Jila Mossaed, Sophie Loizeau et Brigitte Giraud.

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Trois poétesses honorées par le prix Vénus Khoury-Ghata

Sophie Loizeau. Photo Laurent Citrinot

Quelques heures avant de se rendre à la Maison de la poésie, Vénus Khoury-Ghata, dont les cheveux rappellent les teintes orangées de son jardin, se souvient de la naissance du prix qui porte son nom, en 2014. « Tout ce que je souhaite, c’est que ce prix continue quand je ne serai plus là. C’est la mairie de Paris qui est à l’initiative du projet; les premières années, nous avons décerné le prix Vénus Khoury-Ghata à la mairie du huitième arrondissement, en même temps que le prix Simone Weil, qui était attribué à des romanciers. Mais notre jury, qui récompensait des poètes, était peu mis en valeur, et au bout de trois ans, c’est la Maison de la poésie qui nous a accueillis. Ce véritable temple de la poésie, dirigé par Olivier Chaudanson, fait salle comble tous les soirs pour des récitations poétiques », se souvient celle qui a tenu dès le départ à récompenser des poétesses. « Je participe à plusieurs jurys littéraires et j’ai constaté à de nombreuses reprises qu’en fin de compte, les prix sont attribués aux hommes, même si j’ai souvent essayé d’attirer l’attention sur des écritures féminines. Les lauréats du prix Vénus Khoury-Ghata sont récompensés par des œuvres d’art, et le prix perdure grâce à la générosité de mes amis artistes. Lorsque nous manquons de dons, il m’arrive de céder une de mes toiles. Parmi mes mécènes, je peux citer entre autres Ernest Pignon-Ernest, Velikovic, la sculptrice Niza Chevènement, la galeriste Isabelle Maeght ou Marie-Laure de Villepin », ajoute l’auteure de La Maestra (Actes Sud, 2001). Cette année, Jila Mossaed et Sophie Loizeau ont reçu une lithographie de l’artiste syrienne Leila Mourayweb ; quant à Brigitte Giraud, elle s’est vu attribuer une gouache réalisée par un peintre polonais qui avait été donnée à la poétesse Joyce Mansour en 1955, et que sa belle-fille, Nadia, a offerte.

Pandémie oblige, plusieurs membres du jury, qui sont eux-mêmes poètes et qui ont déjà reçu le prix Vénus Khoury-Ghata, n’ont pas pu se rendre à la Maison de la poésie, comme Claude Ber ou Marie Huot. Ont pu être présents aux côtés de la poétesse éponyme Pierre Brunel, professeur émérite, spécialiste de littérature comparée, et Mireille Calle-Gruber, professeure à l’université Sorbonne-Nouvelle.

"Ces poètes qui portent la poussière de leur pays sur les semelles de leur cœur »

La poétesse Brigitte Giraud a publié dans divers champs créatifs, et elle est l’auteure de plusieurs ouvrages poétiques, dont Aime-moi (éditions al-Manar, 2019), un recueil que le jury a souhaité récompenser. Au fil des pages, les mots tissent une ligne ténue qui dessine une quête initiatique sans cesse renouvelée.

« Une maille après l’autre défait la mort

une métaphore prise en ciment dans le recueil.

Une gelée rouge,

ou l’impossible dans de l’infini »

C’est ensuite Sophie Loizeau qui a reçu le prix Vénus Khoury-Ghata, avec le recueil intitulé Les Loups (José Corti, 2019). Mireille Calle-Gruber a introduit avec ferveur l’écriture poétique de l’auteure au public. « Sophie Loizeau invente, à l’opposé du loup de la fable et du conte, lesquels font le récit d’un prédateur dévoreur d’enfants, le loup de la poésie. (...) Le poème comme le loup va seul, à l’écart, il fait exception à la règle sociale générale. Et à la langue convenue.(...) La ligne brisée époumone la phrase, le phrasé bouleverse la syntaxe, le vers casse le dernier mot et l’émiette à l’enjambement. (...) Car c’est à la rencontre de nos loups intérieurs que nous sommes conviés. (...) Opérant une étonnante purgation des passions par la purge de la langue, le dispositif donne au texte la puissance poétique capable de penser les mondes alternatifs, d’aller à la magie du vivant. »

Le prix étranger a été remis à Jila Mossaed, née à Téhéran en 1948, où elle était rédactrice à la radio et à la télévision. En 1979, elle s’est opposée au durcissement culturel qui a suivi la prise de pouvoir de Khomeini et a trouvé refuge en Suède avec ses deux enfants. Elle a écrit ses premiers poèmes en persan, avant d’adopter le suédois. « La langue suédoise est devenue la lumière qui éclaire ma route pour pouvoir écrire et raconter en toute liberté sans être punie.(...) Il y a un triomphe sur l’oppression et la censure que seule la langue peut réaliser », a-t-elle expliqué dans son discours inaugural de l’Académie suédoise des Nobel de littérature, dont elle fait partie. L’auteure a reçu de multiples distinctions littéraires dans son pays d’adoption pour ses différents recueils poétiques. En 2019, un de ses ouvrages paraît en français au Québec, aux éditions Hashtag, Le cœur demeure dans le berceau (Vad jag saknades här), traduit par Françoise Sule.

Jila Mossaed. Photo DR

«  Le cœur dérive sur l’eau

Ai laissé toutes les lettres au vent

Nous avons été trop longtemps des voyageurs

Les vagues avalent les frontières

Comme des petites sardines

Les mots angoissés, les mots asséchés, les mots voilés

ne nous aident pas

Nous glissons silencieusement sur les doigts de l’océan

Comment les poissons trouvent-ils leur maison ?

Beaucoup de temps s’est écoulé

Nous sommes oubliés

Nous sommes perdus

Et nous ne manquons à personne »



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